À quelles conditions le CSE peut-il désigner un expert SSCT et qui le rémunère ?

 


Votre CSE peut désigner un expert habilité pour les sujets SSCT dans deux cas de figure : risque grave d’un côté, modifications importantes des conditions de travail de l’autre. Regardons de plus près ce que peut être un « risque grave » ou le caractère « important » d’une modification des conditions de travail, de quel expert il s’agit et qui rémunère cet expert.

1. Qu'est-ce qu'un "risque grave" ?


Votre CSE peut désigner un expert, habilité en matière de Santé Sécurité Conditions de Travail, « lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement », nous dit le code du travail.

 

Retenons l’essentiel de cette définition du code du travail : « lorsqu’un risque grave est constaté dans l’établissement ». Vous comprenez bien qu’il doit s’agir d’un risque grave pour la santé ou la sécurité des salariés de l’ensemble de l’entreprise ou d’un service ou atelier précis. Cela peut aussi être un risque pour une profession de l’entreprise. Exemple : les sage-femmes, les infirmières ou les aides-soignants d’un établissement hospitalier.

Cette définition du code du travail ne date pas de la mise en place, en 2020 du CSE, mais des années qui ont suivi 1982 et la création du CHSCT. Celui-ci ayant été le résultat de la fusion du Comité d’Hygiène et de Sécurité [CHS] et de la commission du comité d’entreprise chargée des Conditions de travail [CT]. Il y a donc eu, au fil du temps, une accumulation de jugements qui permettent de préciser ce qu’est, selon la cour de cassation, un « risque grave ».

Bon à savoir :

Qu’est-ce qu’une « jurisprudence » en matière de CSE ? quand il y a un désaccord entre le CSE et l’employeur, l’un des deux peut aller devant le tribunal compétent pour demander un arbitrage pour trancher ce litige. Par exemple, le CSE considère qu’il y a un « risque grave » pour la santé des salariés et l’employeur n’est pas d’accord. Le tribunal va donc prendre position pour ou contre l’une des parties. Si le litige va en appel puis en cassation, la cour de cassation tranche le débat, non pas sur le fond de l’arrêt de la cour d’appel mais sur le fait de savoir si cette cour d’appel a jugé « à bon droit ». Si la position du CSE est validée en cassation, on saura qu’un exemple similaire est un « risque grave ». Si c’est la position de l’employeur qui est validée par la cour de cassation, on saura qu’un exemple similaire n’est pas un « risque grave ». Une jurisprudence peut aussi n’être qu’un arrêt d’une cour d’appel, qu’aucune des parties opposées n’a juger bon de porter auprès de la chambre sociale de la cour de cassation.

Prenons quelques exemples de jurisprudences qui ont tranché pour affirmer qu’il y avait un risque grave et donc que la désignation d’un expert habilité SSCT était justifiée (source de nos exemples : Code du Travail annoté édition 2022 du Groupe Revue Fiduciaire, page 945 et suivantes ; jugements pris dans les 20 dernières années).

  • Sept accidents du travail survenus au cours des mois précédent, et treize accidents survenus l’année précédente.
  • Situation de tension extrême au travail génératrice de troubles chez plusieurs salariés.
  • Salariés en grande souffrance au travail indiquée au médecin du travail, propos sexistes et humiliations, augmentation des arrêts de travail pour maladie depuis six mois.
  • Accident mortel inexpliqué d’un salarié.
  • Réduction des effectifs, alourdissement de la charge de travail, pression sur les salariés, cas de harcèlement moral, stress, arrêts maladie pour dépression.
  • Accumulation de burn-out pendant deux ans.

Prenons d’autres exemples de jurisprudences qui considèrent qu’il n’y avait pas de risque grave et donc que la désignation d’un expert habilité SSCT n’était pas justifiée ((source de nos exemples : Code du Travail annoté édition 2022 du Groupe Revue Fiduciaire, page 945 et suivantes ; jugements pris dans les 20 dernières années).

  • Suicide d’un salarié et accidents de la circulation la même année ayant touché des salariés lors de déplacements liés à l’implantation de leurs sites d’activités.
  • Dysfonctionnements avérés mais traités, un seul salarié concerné dans chaque service mis en cause suite à une réorganisation mal comprise. Direction ayant mis en place un médecin du travail pour prévenir les risques psychosociaux.
  • Fouille d’une caissière par la police, cas isolé.
  • Risque général de stress suite à des réorganisations, pas de risque avéré.

2. Qu'est-ce qu'une "modification importante des conditions de travail ?


Votre CSE peut désigner un expert habilité « en cas d'introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail », nous dit le code du travail. Il doit bien s’agir d’un projet et non d’une mise en place déjà achevée et pour laquelle le comité a été consulté en temps et en heure. Il faut donc envisager de désigner l’expert dès le projet est présenté ou dès que vous en avez connaissance.

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Il doit s’agir d’un projet important, qui va avoir des répercussions, notamment sur l’emploi des salariés, leurs conditions de travail, leur qualification, nécessiter des formations, etc.

Exemple : le projet d’une installation informatique qui va concerner une part très importante des salariés. Le rôle de l’expert habilité SSCT peut consister à identifier un risque grave, mais ce n’est pas l’objectif de sa mission. Elle consiste beaucoup plus à analyser le projet, à déceler dans sa conception les difficultés que pourraient vivre les salariés concernés. Difficultés qui pourraient nuire aux salariés et même à l’entreprise. L’expert doit pouvoir proposer des alternatives, des étapes préparatoires. Surtout quand l’urgence devient génératrice de situations conflictuelles et de dégradation du service aux clients. Dégradation qui peut entrainer une agressivité des clients vis-à-vis des salariés.

3. Qu'est-ce qu'un expert habilité en SCCT ?


L’expert habilité SSCT que le CSE désigne a pour mission d’éclairer les élus sur un « risque grave » ou « une modification importante des conditions de travail » et doit être en capacité de fournir aux élus :

 

  • Une information claire, précise et impartiale,
  • D’établir un diagnostic en présentant des propositions d’actions et des solutions concrètes sur la base de celui-ci.
  • Une vision globale de la santé au travail dans votre entreprise en tenant compte, notamment, des questions liées à l’organisation et à la finalité du travail, au rôle de l’encadrement et à la politique de prévention des risques professionnels que doit mener l’employeur.


Dans le cas d’un risque grave, il est indispensable de prendre contact avec un expert habilité SSCT pour lui soumettre vos inquiétudes. Il est, bien sûr, préférable de désigner un expert travaillant habituellement pour les CSE. L’expert vous dira si vos préoccupations justifient, en fonction de son expérience, d’engager une expertise « risque grave ». Si cela lui parait avéré, il vous aidera alors à rédiger la délibération mise au vote de la réunion plénière du CSE. Le secrétaire de votre comité met ce sujet à l’ordre du jour, votre employeur ne peut s’opposer à ce qu’il soit mis à l’ordre du jour.

Si l’employeur est en désaccord avec votre CSE et considère qu’il n’existe pas un risque grave, vous adoptez néanmoins la délibération qui expose en quoi vous considérez qu’il existe un risque grave dans l’entreprise. L’expert avec lequel vous avez décidé de travailler peut contacter votre employeur, voire être invité à la réunion du CSE pour exposer en quoi il s’agit d’un risque grave et rappeler à votre employeur qu’il est responsable de la santé et la sécurité des salariés. Si ce débat ne débouche pas sur un accord avec l’employeur, il faut alors aller au tribunal.

Dans le cas d’un projet important susceptible de modifier les conditions de travail, c’est dans le cadre de la consultation du CSE sur ce projet que la même démarche de désignation d’un expert habilité doit être mise en œuvre.


4. Comment désigner l'expert en SSCT ?


Deux situations différentes se présentent :

 

  • Il s’agit, du point de vue du CSE, d’un « risque grave »,
  • Le CSE est consulté pour un « projet important susceptible de modifier les conditions de travail ».


Dans le cas d’un risque grave il est indispensable de prendre contact avec un expert habilité SSCT pour lui soumettre vos inquiétudes. Il est, bien sûr, préférable de désigner un expert travaillant habituellement pour les CSE. L’expert vous dira si vos préoccupations justifient, en fonction de son expérience, d’engager une expertise « risque grave ». Si cela lui parait avéré, il vous aidera alors à rédiger la délibération mise au vote de la réunion plénière du CSE. Le secrétaire de votre comité met ce sujet à l’ordre du jour, votre employeur ne peut s’opposer à ce qu’il soit mis à l’ordre du jour.

Si l’employeur est en désaccord avec votre CSE et considère qu’il n’existe pas un risque grave, vous adoptez néanmoins la délibération qui expose en quoi vous considérez qu’il existe un risque grave dans l’entreprise. L’expert avec lequel vous avez décidé de travailler peut contacter votre employeur, voire être invité à la réunion du CSE pour exposer en quoi il s’agit d’un risque grave et rappeler à votre employeur qu’il est responsable de la santé et la sécurité des salariés. Si ce débat ne débouche pas sur un accord avec l’employeur, il faut alors aller au tribunal.

Dans le cas d’un projet important susceptible de modifier les conditions de travail, c’est dans le cadre de la consultation du CSE sur ce projet que la même démarche de désignation d’un expert habilité doit être mise en œuvre.


5. Dans quels délais l'expert SSCT doit-il remettre son rapport ?


L'expert notifie à l'employeur et au CSE le coût prévisionnel, l'étendue et la durée de son expertise dans un délai de dix jours à compter de sa désignation.

Les délais d’expertise peuvent être déterminés dans l’accord d’entreprise sur le CSE signé par les syndicats de l’entreprise ou en l’absence de délégué syndical par le CSE à la majorité de ses membres. A défaut d’accord le délai dont dispose l’expert pour remettre son rapport :

  • S’il s’agit d’un risque grave, l’expert a deux mois.
  • S’i s’agit d’un projet modifiant les conditions de travail le délai est de deux mois dans le cadre de la consultation sur ce projet.

6. Qui paye les honoraires de l'expert ?


Dans le cas d’un risque grave, le honoraires de l’expert sont pris en charge à 100 % par l’employeur. Dans le cas d’un projet important modifiant les conditions de travail, les honoraires de l’expert sont partagés : 20 % à la charge du CSE pris sur son budget de fonctionnement, 80 % à la charge de l’employeur.

synthese conditions de travail , sante
Synthèse

7. Synthèse


L’employeur a une obligation de santé et de sécurité pour l’ensemble du personnel de votre entreprise. Votre CSE peut désigner un expert habilité SSCT pour vous permettre d’analyser de manière professionnelle les risques pour la santé et la sécurité de vos collègues. Cette expertise sert aussi à proposer des solutions pour éviter des conséquences dramatiques pour eux. C’est dans l’intérêt de votre employeur, responsable de la santé des salariés, que ces conséquences puissent être évitées.

 
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