Le Pacte de la vie au travail est décrit comme la négociation la plus importante de ces dix dernières années par de nombreux défenseurs des droits des travailleurs. Dans un contexte où le départ d’âge à la retraite est reculé de deux ans et le taux d’emploi des seniors se situe sous la moyenne européenne, les partenaires sociaux sont d’accord sur au moins un point : l’importance d’améliorer le taux d'emploi des seniors.
Présentation du Pacte de la vie au travail
Cela fait maintenant un an qu’Emmanuel Macron a annoncé - lors d’une allocution télévisée - un « nouveau pacte de la vie au travail ». Voyons donc ce qu’est ce Pacte ainsi que les solutions envisagées par les partenaires sociaux pour améliorer le taux d’emploi des seniors.
Le Pacte de la vie au travail, c'est quoi ?
Le Pacte de la vie au travail est le nom donné à la négociation interprofessionnelle qui a lieu entre les organisations syndicales et les organisations patronales.
Cette discussion entre les partenaires sociaux a commencé le 22 décembre 2023 pour prendre fin ces dernières semaines : en avril 2024.
Le but de ces négociations ? Répondre au défi de l’emploi des seniors. Il s’agit d’une part de résoudre le problème de l’absence d’emploi chez cette partie de la population, et de l'autre, d’améliorer les conditions de travail des salarié·es seniors.
Bon à savoir
Ce pacte est censé aboutir à l'instauration de nouvelles règles en matière d'assurance-chômage.
Le pacte de la vie au travail est l’une des solutions proposées par le gouvernement pour sortir du conflit de la réforme des retraites. En juillet 2023, Elisabeth Borne, alors Première ministre, s’est engagée à transcrire dans la loi l’intégralité des accords convenus entre les organisations patronales et syndicales. L’objectif annoncé est donc de créer un pacte qui couvrira les thèmes suivants :
- l’emploi des seniors,
- les parcours professionnels,
- l’usure professionnelle et les reconversions,
- le compte épargne-temps universel (CETU)
Ainsi, le gouvernement a invité les partenaires sociaux à réfléchir ensemble sur des moyens pour lutter contre les discriminations liées à l’âge, sur l'aménagement des fins de carrière ou encore sur les transitions entre emploi et retraite. Le fait de renforcer la négociation collective sur la gestion des âges est également une piste de réflexion qui a été évoquée.
Les thèmes de la négociation ont donc été fixés il y a un an. Et les négociations ont duré près de trois mois et demi.
10 propositions communes faites par les syndicats
Du côté des organisations syndicales, CFE-CGC, CGT, CFDT, FO et CFT ont émis 10 propositions communes.
La première proposition concerne directement les représentants du personnel puisqu'elle vise à renforcer le dialogue social. Elle consiste à mettre en place un bilan social de branche avec un objectif quantitatif et qualitatif.
Proposition | Contenu de la proposition |
n°1 | Rendre obligatoire la négociation d’entreprise sur l’emploi des seniors en renforçant le rôle des représentants des salariés → supprimer la limite de 3 mandats maximum |
n°2 | Mettre en place un système de pénalité lorsque les objectifs d’amélioration du taux d’emploi des seniors ne sont pas atteints |
n°3 | Créer un vrai droit à la reconversion professionnelle qui repose sur un dispositif avec maintien de la situation professionnelle du salarié (contrat, rémunération…) |
n°4 | Rendre obligatoire la cartographie des métiers à risque et fort taux de sinistralité dans les branches et les entreprises pour anticiper les reconversions et mettre en place des plans de prévention obligatoires - qui intègrent les aménagements de fin de carrière |
n°5 | Rendre le droit à la retraite progressive opposable 4 ans à partir de 60 ans avec une prise en charge des cotisations retraites à 100% |
n°6 | Maintenir les cotisations retraites à 100% lorsque le salarié passe à temps partiel dans sa dernière partie de carrière |
n°7 | S’opposer au CDI Seniors qui ouvre droit à de nouvelles exonérations de cotisations au bénéfice des entreprises |
n°8 | Ouvrir à la négociation obligatoire les plans de développements des compétences dans les entreprises de plus de 1 000 salariés |
n°9 | Faire du Conseil en Evolution Professionnelle un droit effectif pour l’ensemble des salariés |
n°10 | Piloter une stratégie nationale de la reconversion dans un lieu paritaire commun |
Au moment de la négociation finale, les organisations syndicales ont toutes mis en évidence le déséquilibre excessif du projet d'accord proposé par les organisations patronales.
Pour rappel, en cas d’accord entre les partenaires sociaux à l’issue des négociations, le gouvernement s'est engagé à intégrer cet accord tel quel dans la législation.
Parmi les thèmes abordés dans ces négociations, on retrouve le CETU.
Emploi des seniors et CETU
Le CETU ou Compte Épargne-Temps Universel est une promesse de campagne d'Emmanuel Macron en 2022. Cette idée vient initialement de la CFDT qui la revendique. Qu’est-ce que le CETU et présente-t-il un intérêt pour les salariés ?
Le CETU est un compte individuel, propre à chaque salarié, qui serait portable en cas de changement d’employeur. De cette façon, les jours de repos ou de congés accumulés par le salarié pourraient être transférés de l’ancienne entreprise vers la nouvelle.
Bon à savoir
La gestion de ces CETU et les opérations de compensation entre entreprises seraient confiées à des organismes tiers.
L'utilité du CETU pour les salariés est discutée et discutable. La syndicat FO redoute par exemple qu'il complique la prise de congés des salariés.
Selon la CFDT ce compte individuel permettrait de rendre les salariés plus autonomes car ils pourraient lisser leur temps de travail et de congés tout au long de leur vie professionnelle. Cette flexibilité pourrait libérer des ressources pour financer de nouveaux congés, des périodes de formation, voire une transition vers le travail à temps partiel en fin de carrière.
La CGT exprime quant à elle une inquiétude vis-à-vis du CETU en raison d’une éventuelle augmentation de la flexibilité du temps de travail. Ceci impliquerait donc des difficultés pour concilier vie professionnelle et personnelle, une précarisation de l’emploi, une baisse des revenus…
Le syndicat des cadres CFE-CGC prône la création d'un « Compte Épargne-Temps pour tous », qui ne serait pas transférable d'une entreprise à une autre.
De manière plus globale, ce projet de CETU semble peu en phase avec les attentes des salariés, dont la préoccupation principale est davantage axée sur le pouvoir d'achat, la stabilité de l'emploi ou la qualité de vie au travail.
Pas de nouveaux droits pour les salariés
Le 10 avril 2024, à l'issue des négociations, les organisations syndicales dressent un constat de désaccord avec les organisations patronales sur le sujet de l’emploi des seniors.
Le texte final proposé à la signature par les organisations patronales n'introduit aucun droit supplémentaire pour les salariés.
La mise en place du CETU n’est d’ailleurs pas incluse dans le texte final du projet sur le pacte de la vie au travail.
Du côté des organisations patronales, le Medef et la CPME souhaitent un nouveau type de contrat qui effraie les syndicats : le CDI senior.
Ce CDI senior pourra être rompu par l'employeur à partir du moment où le salarié dispose de tous ses trimestres pour une retraite à taux plein.
Ce dernier est désormais renommé « Contrat de valorisation de l’expérience ». L'idée est de proposer aux chômeurs âgés de plus de 60 ans, dans le cadre d'une expérience de cinq ans, un contrat visant à offrir une visibilité à l'employeur. En vertu de ce contrat, le salarié informerait l'employeur de la date prévue de son départ à la retraite à taux plein, ce qui donnerait à l'employeur la possibilité de le mettre à la retraite à cette date.
Bon à savoir
Il faut attendre 70 ans pour une mise à la retraite d’office. Dans une tentative supposément incitative, l'employeur serait dispensé de la contribution patronale spécifique de 30 % habituellement exigée lors des départs à la retraite.
À la fin des négociations, le secrétaire national de la CFDT, Yvan Ricordeau a déclaré « Nous avons eu une petite ouverture concernant l’emploi des seniors. Nous avons progressé sur la définition des entretiens professionnels durant la carrière. Nous avons sans doute un peu plus stabilisé la question de la reconversion où, in fine, la dernière proposition fait en sorte que la rupture du contrat de travail existe toujours mais elle est mieux définie. Et les parcours d’évolution professionnelle collectifs sont moins dérogatoires par rapport aux questions de licenciement. Voilà en deux jours comment le texte initial du patronat a évolué. C’est maigre ».
Les négociateurs de la CGT, de la CFTC et de la CFE-CGC ont communiqué leur intention de transmettre des avis défavorables à leurs instances. Aussi, le texte devrait être rejeté par l’ensemble des organisations syndicales
Cet échec de dialogue social recentre donc le pouvoir entre les mains du gouvernement et met en péril l'approbation de la convention d'assurance-chômage négociée à l'automne 2023.À retenir
Le Pacte de la vie au travail constitue une négociation majeure qui vise à améliorer le taux d'emploi des seniors et à redéfinir les règles de l'assurance-chômage. Malgré des propositions diverses, les négociations ont abouti à des désaccords entre les syndicats et les organisations patronales, mettant en péril l'approbation de la convention d'assurance-chômage.
Les partenaires sociaux se retrouvent à nouveau mi-avril pour discuter du volet final initialement prévu dans le cadre de cette négociation : la mise en place d'un compte épargne-temps universel (CETU).
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