Le télétravail a profondément transformé notre rapport au travail. Si certains y trouvent plus de souplesse, d’autres y voient un terrain fertile pour l’émergence de l’émergence de risques psychosociaux (RPS). En mars 2025, la DARES* publie une étude majeure sur l’impact du télétravail sur la santé mentale des salariés. Elle montre que le mal-être psychologique progresse, parfois de manière silencieuse, même chez ceux qui travaillent à distance.
Quels sont les mécanismes en jeu ? Quels sont les travailleurs les plus exposés ? Et surtout, comment les élus du CSE peuvent-ils agir ?
Voici une analyse
complète à partir des données du rapport.
Sommaire
1. Télétravail et mal-être : une réalité bien documentée
2. Trois facteurs organisationnels à surveiller
3. Les profils les plus exposés aux RPS
4. Quel rôle pour les élus du CSE face aux RPS liés au télétravail ?
5. Pourquoi se former aux RPS est indispensable
6. Le cadre légal à connaître
L’étude DARES s’appuie
sur 30 000 répondants entre 2021 et 2023. Elle montre une hausse significative
des symptômes anxieux et dépressifs, quel que soit le mode de travail.
Bon à savoir :
Le télétravail régulier (au moins deux jours par semaine) est associé à davantage de troubles psychologiques, en particulier chez les femmes, les managers et les salariés isolés.
Le rapport DARES identifie trois grandes dimensions du travail qui, lorsqu’elles se détériorent, favorisent l’émergence des risques psychosociaux (RPS).
Voici un tableau récapitulatif de ces facteurs et de leurs effets :
Facteur |
Exemples concrets |
Impact sur les RPS |
Distanciation |
Isolement, perte de lien avec l’équipe |
Anxiété, perte de sens, sentiment d’abandon |
Intensification du travail |
Surcharge, interruptions fréquentes, urgences constantes |
Stress chronique, épuisement émotionnel |
Fragmentation du temps |
Travail morcelé, horaires décalés, sollicitations constantes |
Déséquilibre vie pro/perso, tension permanente |
Exemple : Un salarié en télétravail complet, avec peu de liens sociaux, une
forte charge et des plages horaires floues, cumule les trois facteurs de
risque.
Tous les salariés ne vivent pas le télétravail de la même façon. Certains groupes apparaissent particulièrement vulnérables.
Catégorie |
Pourquoi c’est un facteur de risque |
Femmes |
Charge mentale plus élevée, conciliation difficile |
Managers |
Isolement décisionnel, sur sollicitation, tensions à distance |
Salariés isolés |
Absence de soutien, perte de repères collectifs |
Jeunes actifs |
Moins d’expérience, difficulté à structurer leur activité |
Bon à savoir :
Le télétravail total, sans contact humain régulier, est un
facteur aggravant du mal-être, en particulier chez les plus jeunes.
Quel rôle pour les élus du CSE face aux RPS liés au télétravail ?
Les élus du CSE sont les premiers acteurs de terrain capables d’alerter, proposer et négocier. Leur implication est essentielle pour prévenir les dérives.
Voici quelques leviers d’action concrets
- Faire remonter les signaux faibles (isolement, épuisement, repli…)
- Demander la mise à jour du DUERP pour intégrer les risques liés au télétravail
- Formuler des propositions d’aménagement (horaires, outils, suivi managérial…)
- Exercer un droit d’alerte si un danger grave est constaté
- Organiser ou co-animer des temps d’échange pour recréer du collectif
- Sensibiliser les managers et salariés aux risques psychosociaux à travers des ateliers collectifs
- Sonder la température interne en
envoyant un baromètre anonyme pour mesurer le degré d’isolement et comment les
salariés vivent le télétravail…
Bon à savoir :
Le CSE peut faire appel à un expert agréé en cas de réorganisation du travail ayant un impact sur les conditions de travail, y compris en matière de télétravail.
Le code du travail n’impose pas un expert d’une profession réglementée, il peut s’agir d’un ergonome qui étudie les postes de travail.
Pour agir efficacement, il faut comprendre les mécanismes des RPS. Les élus disposent d’un droit à la formation santé, sécurité et conditions de travail, qu’ils peuvent mobiliser sur ce sujet. Dans le cadre de leur rôle d’acteur de la prévention, la formation permettra de :
● Identifier les signaux avant-coureurs (épuisement, désengagement, irritabilité…)
● Maîtriser les obligations légales et les outils de prévention (DUERP, droit d’alerte…)
● Savoir dialoguer avec l’employeur sur un pied d’égalité
● Proposer des actions concrètes et adaptées à leur secteur d’activité
Exemple
: Un élu formé pourra, face à une recrudescence de burn-out en télétravail, proposer
un diagnostic RPS appuyé et documenté.
Cela peut également limiter le recours à des prestations externes
coûteuses.
Bon à savoir :
Cette
formation est finançable par les OPCO*
et peut être suivie avec un organisme spécialisé dans les RPS.
OPCO : Opérateurs de compétences chargé de la formation professionnelle en entreprise.
Le Code du travail impose à l’employeur une obligation de prévention des risques, y compris psychologiques. L’article L.4121-1 est la base de toute action du CSE.
Ce que cela implique :
●
Le télétravail doit être pris en
compte dans le DUERP
●
L’employeur reste responsable même
à distance
● Les conditions de travail doivent être évaluées et adaptées
Exemple : Si plusieurs salariés expriment une souffrance liée au télétravail, ne rien faire peut engager la responsabilité de l’entreprise. L’inaction est un manquement juridique à l’obligation de santé et sécurité.
À retenir
- Le télétravail n’élimine pas les risques psychosociaux, il peut même les renforcer.
- Trois facteurs-clés sont à surveiller : distanciation, intensification et fragmentation du temps.
- Les femmes, jeunes actifs, managers et salariés isolés sont les plus exposés.
- Le CSE joue un rôle majeur dans la prévention des RPS, à condition d’être formé et actif dans la prévention.
- Le cadre légal existe : encore faut-il l’activer via le DUERP, les alertes et les formations.
Etude de la DARES disponible ici.
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