La réforme des retraites a été adoptée sans vote en 2023.
Le 23 décembre 2024, le Premier ministre François Bayrou a publiquement annoncé son refus d’abroger ou de suspendre la réforme des retraites, imposée en 2023 par le recours à l’article 49.3 de la Constitution.
Fin décembre 2024, la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet a exprimé sa volonté de mettre en place des "aménagements justes et raisonnables" concernant cette réforme des retraites.
Mais que change concrètement cette réforme des retraites pour les salariés et les entreprises ? Quels impacts sur l’âge de départ, les dispositifs de fin de carrière, ou encore les conditions de travail ? Et surtout, comment les élus du CSE peuvent-ils accompagner au mieux les salarié·e·s face à ces évolutions ?
Découvrez dans cet
article tout ce qu’il faut savoir pour comprendre les enjeux de cette réforme
et anticiper ses conséquences.
Les grands changements introduits par la réforme des retraites
Les
récentes déclarations des membres du gouvernement sont l’occasion de revenir
sur les principaux changements apportés par cette réforme, qui modifie en
profondeur le paysage des retraites en France.
Âge de départ à la retraite, durée de cotisation et régimes spéciaux : ce qui change avec la réforme des retraites
On parle de “réforme des retraites” pour désigner le processus par lequel un gouvernement modifie les règles qui régissent les systèmes de retraites d'un pays.
Cela peut inclure des changements dans l'âge de départ à la retraite, les conditions d'éligibilité, le montant des cotisations, ou encore le calcul des pensions. Ces réformes visent généralement à adapter le système de retraite aux évolutions démographiques, économiques et sociales.
La réforme des retraites adoptée en 2023 a été largement perçue comme imposée de manière autoritaire, notamment en raison de la méthode adoptée par le gouvernement : recours à l'article 49.3 pour éviter un vote parlementaire, dialogue limité avec les syndicats, et maintien de la réforme malgré une opposition massive de la population et des mobilisations sociales.
Ces tensions, auxquelles le gouvernement a tenté de répondre avec le pacte de la vie au travail, ont mis en lumière des préoccupations liées aux conditions de travail de nombreux salariés.
L'argument principal avancé par le gouvernement pour la réforme des retraites de 2023 est de garantir le financement du système de retraite face au vieillissement de la population.
Avant la réforme, les salariés ayant atteint l’âge légal de 62 ans avaient droit au montant de retraite maximal, s’ils avaient travaillé une durée minimum obligatoire.
La réforme de 2023 introduit un relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite, qui passe de 62 à 64 ans.
Ce changement s’applique depuis le 1er septembre 2023 et suit un rythme d’un trimestre supplémentaire par année de naissance. Par exemple, les personnes nées en 1962 pourront partir à 62 ans et 6 mois, celles nées en 1964 à 63 ans, et à partir de 1968, l’âge légal atteindra 64 ans
La réforme allonge également la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Cette durée passera progressivement à 43 ans en 2027. Un autre changement apporté par la réforme des retraites adoptée en 2023 est celui qui concerne les régimes spéciaux, ou plus précisément leur suppression.
Les régimes spéciaux suivants ont ainsi été supprimés par la réforme :
- Régie autonome des transports parisiens (RATP)
- Industries électriques et gazières (IEG) ;
- Clercs et employés de notaires (CRPCEN) ;
- Banque de France
L’avantage de ces régimes spéciaux pour les salariés ? Ils permettaient notamment de partir plus tôt à la retraite, sans être pénalisés sur le plan financier. Les métiers concernés par ces suppressions seront donc affiliés au régime de retraite classique, impliquant un relèvement de l’âge légal de départ à la retraite.
Face à
l’impopularité de cette réforme des retraites, le gouvernement a précisé que
des situations spécifiques permettraient un départ anticipé avant l’âge légal. Parmi elles figurent des
critères comme l’invalidité, la pénibilité de certains emplois, ou
encore les carrières longues, à
condition de remplir des critères
stricts de durée de cotisation.
Par exemple, le tableau ci-dessous présente les conditions de la retraite anticipée pour carrière longue :
Condition |
Critères |
Âge de début de carrière |
Avoir commencé à travailler avant 16, 18, 20 ou 21 ans |
Trimestres cotisés |
Avoir un nombre déterminé de trimestres d'assurance retraite cotisés (tous régimes confondus) |
Trimestres avant l'âge de début de carrière |
Avoir un certain nombre de trimestres cotisés avant 16, 18, 20 ou 21 ans |
L’espace personnel Assurance Retraite, mis en place par le gouvernement, a pour but d’accompagner
les salariés dans la préparation de leur retraite, en les informant sur leur âge de départ ou encore en leur délivrant
leur relevé de carrière.
La complexité du système relatif aux départs à la retraite anticipés, ainsi
que les conditions rigoureuses qu’il
impose, peut générer de la confusion
chez les futurs retraités.
Impacts de la réforme des retraites sur les salariées, les carrières longues et les métiers pénibles
Les femmes sont plus pénalisées que les hommes par cette réforme des retraites.
Lorsqu'une salariée a un enfant, elle obtient des trimestres supplémentaires pour sa retraite. Cela permet de compenser le temps qu'elle a pu perdre en raison de la maternité et/ou de l'éducation des enfants.
Concrètement, chaque enfant donne droit à 8 trimestres supplémentaires[1], soit 2 ans.
Avant la réforme, ces 8 trimestres supplémentaires pouvaient permettre à une salariée avec enfant de partir à la retraite plus tôt, notamment à 62 ans, en ayant validé suffisamment de trimestres pour obtenir une retraite à taux plein.
Avec la réforme de 2023, les salariés mères perdent l’avantage que leur conférait les trimestres acquis. Ce qui signifie que les trimestres “gagnés” grâce au travail domestique dédiés aux enfants ne permettent plus de partir avant l’âge de 64 ans..
Par ailleurs, bien que certains emplois reconnus pour leur pénibilité restent éligibles à des aménagements spécifiques, comme une retraite anticipée, de nombreux métiers ne sont toujours pas officiellement considérés comme pénibles.
Comme le savent de nombreux représentants du personnel, les critères retenus par la loi restent insuffisants pour définir précisément la pénibilité d’un métier.
Les salarié·e·s confronté·e·s à des carrières longues et à des métiers pénibles subissent une usure professionnelle accrue, ce qui les pénalise particulièrement dans le cadre de cette réforme des retraites, en raison de l'allongement de l'âge de départ à la retraite et de la difficulté à bénéficier de mesures adaptées à leur situation spécifique.
L’allongement de l’âge de départ à la retraite ainsi que la faible prise en compte de la pénibilité - et de la maternité - pour les pensions de retraite peuvent générer de nouvelles tensions et pressions sur les salariés. La réforme des retraites risque d'accroître les risques psychosociaux, notamment pour les salariés ayant des carrières longues non prises en compte par la réforme ou exerçant des métiers pénibles non reconnus comme tels.
Par ailleurs, la réforme de l'assurance chômage, en restreignant les conditions d'accès aux indemnités et leur durée, pourrait aggraver la précarité des seniors, déjà fragilisés par l'allongement de la durée de cotisation imposée par la réforme des retraites.
Ces salariés, souvent confrontés à des difficultés de santé ou à des discriminations à l'embauche, risquent de se retrouver dans une situation de double vulnérabilité : une réduction de leurs droits au chômage et des perspectives d'emploi limitées.
Face à cette précarisation accrue, les élus du CSE ont un rôle clé à jouer pour identifier les salariés en difficulté et mettre en place des mesures d'accompagnement adaptées.
Quels enjeux pour les entreprises et le dialogue social dans le cadre de la réforme des retraites ?
Quels enjeux pour les entreprises et le dialogue social dans le cadre de la réforme des retraites ?
De nombreux économistes estiment qu’avec cette réforme, les salariés seniors ne travailleront pas jusqu’au nouvel âge légal de départ à la retraite[2], notamment pour des raisons de santé. Bien qu’ils prévoient qu’un grand nombre d’entre eux risquent de se retrouver au chômage, il est essentiel que les membres du CSE soient informés et préparés à gérer les répercussions de cette réforme sur les salariés.
Adaptation des politiques internes et gestion des fins de carrière face à la réforme des retraites
La réforme des retraites de 2023 impose, d’une certaine façon, une refonte des pratiques liées aux fins de carrière. En tant qu’élus du CSE, votre rôle est déterminant pour accompagner ces changements, en collaboration étroite avec les RH.
Bon à savoir :
Cette coopération permet de concevoir des solutions justes, adaptées aux salariés, et équilibrées pour l’entreprise.
En collaboration avec les RH, les membres du CSE peuvent notamment jouer un rôle clé dans l’information et l’accompagnement des salariés. Il est essentiel de leur fournir des sources d’informations et outils clairs pour comprendre les impacts individuels de la réforme.
Bon à savoir :
En partenariat, vous pourriez organiser des réunions d’information, proposer des guides pratiques, ou encore des simulateurs de retraite pour aider les salariés à visualiser leur situation future.
Ensemble, vous pouvez également tenter de définir ou de proposer des mesures telles que la retraite progressive, le temps partiel senior, ou encore des aménagements de poste pour les salariés occupant des postes contraignants.
Les politiques de formation continue doivent également être au cœur des discussions pour garantir l’employabilité des seniors et leur permettre d’adapter leurs compétences aux besoins évolutifs de l’entreprise.
De la même façon, l’absence de discrimination des seniors dans les offres d’emploi et les processus de recrutement doit être une priorité. Le CSE peut sensibiliser la direction sur cet enjeu crucial et promouvoir des pratiques équitables.
Bon à savoir :
Les données issues des systèmes RH (comme l’âge moyen des départs, le taux d’utilisation des dispositifs proposés) peuvent servir de base à une analyse conjointe.
Vous pourriez également organiser des échanges réguliers avec les salariés pour recueillir leurs retours et ajuster les mesures si nécessaire. Ensemble, vous pouvez définir des indicateurs de performance pour évaluer l’efficacité des politiques adoptées.
Unir vos forces avec les RH peut aussi améliorer la qualité de vie au travail des salariés âgés. Vous pouvez contribuer à identifier et réduire les situations de pénibilité (via des actions sur l’ergonomie ou l’aménagement des horaires) et travailler sur des programmes de santé et bien-être spécifiques aux seniors !
Réforme des retraites : le rôle du CSE dans l’accompagnement des salariés
En plus des actions menées en collaboration avec les RH, le CSE dispose de leviers spécifiques pour accompagner les salariés subissant le report de l’âge légal de la retraite.
Le rôle du CSE dans l’accompagnement des salariés face à la réforme des retraites de 2023 est essentiel, notamment pour répondre aux défis des salariés plus âgés et/ou ceux confrontés à l'usure professionnelle.
Les élus peuvent initier des démarches complémentaires, comme des échanges directs avec les salariés pour recueillir leurs préoccupations. En réunion, le CSE peut aussi proposer des solutions adaptées aux réalités de l’entreprise et des salariés, tout en veillant à leur mise en œuvre et à leur suivi.
Concrètement, cet accompagnement des salariés plus âgés peut passer par des solutions de maintien dans l’emploi,
comme l’aménagement des postes ou
des horaires flexibles adaptés à
leur condition.
Face à l'usure professionnelle, qui affecte particulièrement les métiers pénibles, le CSE peut agir de plusieurs manières. Il peut évidemment évaluer les risques professionnels en collaboration avec l'employeur, et proposer des actions correctives comme des améliorations ergonomiques ou des réductions de charges physiques.
[1] Ces trimestres peuvent être partagés avec le père, ce qui est très rarement fait en pratique, car ce sont majoritairement les femmes qui assument la charge principale de l’éducation des enfants et les conséquences sur leur carrière (INSEE).
[2] En France, en 2022, seul un tiers des personnes âgées de 60 à 64 ans travaillaient encore selon les chiffres de l’OCDE.
Bon à savoir :
Un suivi médical régulier peut être instauré en collaboration avec l’employeur pour surveiller la santé des salariés les plus âgés et/ou exposés.
Les élus CSE peuvent participer activement aux discussions avec l’employeur portant sur les fins de carrière, comme des dispositifs d’épargne retraite, des solutions de temps partiel, ou autres mesures spécifiques pour les seniors.
À retenir
La réforme des retraites de 2023 relève l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans pour obtenir une pension maximale, sous réserve d'avoir travaillé la durée minimale obligatoire, ce qui soulève des questions liées à l'usure professionnelle croissante des salariés.
Les changements induits par cette réforme révèlent également les difficultés rencontrées par les seniors, notamment en matière de santé, d’employabilité et de conditions de travail. La réforme des retraites pénalise davantage les femmes que les hommes.
Dans ce contexte, les membres du CSE ont un rôle crucial à jouer pour soutenir les salarié·e·s concernés. Le rôle des élus consiste à limiter au maximum l’usure professionnelle grâce à des mesures préventives adaptées et à accompagner les salariés dans la transition induite par la réforme des retraites, tout en veillant à préserver leurs droits et leur santé.
Fin décembre 2024, la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet a annoncé qu’elle comptait apporter d’autres éléments concernant l’usure professionnelle et les petites pensions féminines. Deux sujets qui concernent de près les membres du CSE, et pour lesquels nous ne manquerons pas de vous tenir informé·es !
Bien que le Premier ministre François Bayrou ait fait part de son refus de suspendre ou de geler cette réforme des retraites, il a tout de même proposé une concertation de neuf mois avec les partenaires sociaux.
Si aucun accord n'est atteint à l'issue de cette discussion, la réforme de 2023 restera en vigueur telle quelle.
Il semblerait que les partenaires sociaux attendent, quant à eux, un vote sur une réforme qui n’a jamais été votée.
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