Nous avions perdu l’habitude de subir une forte inflation en France depuis 30 ans :

  • La dernière fois que l’inflation a dépassé 2,8 % (taux de l’inflation en 2008, maximum observé entre 1992 et 2021) c’était en 1991 avec un taux de 3,3 %,
  • De 1992 à 1999, l’inflation a été en moyenne de 1,54 %,
  • De 2000 à 2021 inclus, l’inflation a été en moyenne de 1,39 %
  • Sur un an à fin octobre 2022, l’inflation est de 6,2 %.
  • L’inflation européenne sur 12 mois à fin octobre 2022 dépasse les 10 %.

L’inflation a succédé à la pandémie de COVID19 comme préoccupation principale des français. Toute une génération de travailleurs, qui ont commencé à travailler il y a 30 ans, n’ont pas connu une inflation aussi importante dans leur carrière.

Efforçons-nous d’en comprendre les causes.


1. Quelles sont les causes de l’inflation en 2022 ?

On peut répertorier plusieurs causes au développement soudain et important de l’inflation qui atteint de plein fouet le pouvoir d’achat des salariés.

  1. La pandémie a déréglé l’économie mondiale en obligeant de nombreuses entreprises à travers le monde à arrêter provisoirement leur activité. La reprise à partir du deuxième semestre 2021/début 2022 a relancé l’économie. De nombreuses matières premières (pour le bâtiment par exemple) ont vu leurs prix augmenter sous l’effet de la demande.
  2. Conséquences du confinement, le télétravail et les loisirs à domicile ont boosté l’achat d’appareils électroniques (créant une crise d’approvisionnement en puces électroniques). La Chine et l’Asie du sud-est, produisaient en 2021 75 % des semi-conducteurs (puces électroniques). Les USA ont cherché à se sortir de cette dépendance. Cette guerre économique a contribué à déstabiliser ce marché. De nombreux produits électroniques sont en pénurie.
  3. La Chine (où tellement d’objets de notre quotidien sont fabriqués), disposant pourtant de vaccins moins efficaces, ayant refusé d’utiliser les vaccins occidentaux a, de plus, décidé d’imposer un « zéro COVID19 ». Cette décision bloquant une partie du pays, a entrainé une réduction de la production chinoise créant une pénurie de nombreux produits.
  4. Chaque fois qu’une période de relance succède à une période forcée de réduction de la consommation, une inflation très forte accompagne ce redémarrage. Ainsi en 1945 et les années suivantes l’inflation s’est développée autour de 50 % par an !
  5. La guerre en Ukraine a créé une pénurie supplémentaire de carburant et de gaz : la Russie est le premier exportateur mondial de gaz et le deuxième exportateur mondial de pétrole.
  6. Les causes de l’inflation créent de l’inflation là où il n’y en avait pas. Prenons comme exemple l’agriculture. Ce ne sont pas les agriculteurs qui créent une inflation du prix des alimentaires, ils n’ont, malheureusement pour eux, pas augmenté leur rémunération. Mais leurs moyens de production ont fortement augmenté : engrais (dont une grande partie vient d’Ukraine), sources d’énergie (électricité et gaz), carburants, etc.


2. L’échelle mobile des salaires pour protéger le pouvoir d’achat des salariés est-elle possible ?

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Qu’est-ce que "l’échelle mobile des salaires" ?


L’échelle mobile des salaires consiste à passer des accords, d’entreprise de groupe ou de branche où les salaires augmentent au même rythme que l’inflation indiquée par l’INSEE. Une telle échelle mobile avait été mise en place en 1952 en France. Elle a ensuite été interdite par ordonnance fin 1958, puis parfois tolérée, jusqu’en 1982 où elle a été encore et plus précisément interdite. Cette interdiction est toujours à l’œuvre en 2022.

Bon à savoir :

Cette interdiction est définie par :

  1. L’article L112-2 du code monétaire et financier : « Dans les dispositions statutaires ou conventionnelles, est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des parties. (…) »
  2. L’article L3231-3 du code du travail : « Sont interdites, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords. »

Il n’est, par contre, pas interdit de mettre en place une « échelle mobile des salaires » basée sur le développement de l’activité de l’entreprise où un accord serait signé en la matière. C’est ce qu’indique la fin de la phrase de l’article L112-2 du code monétaire et financier : « n’ayant pas de relation directe avec l’objet du statut ou de la convention ou avec l’activité de l’une des parties ».

Pour comprendre le sens de cette phrase on renverse la formule en affirmant donc qu’il est autorisé d’instaurer par accord une indexation des salaires à condition que cette indexation soit basée sur l’activité d’une des parties de l’accord, à savoir l’entreprise. Ainsi par exemple, un accord serait autorisé qui indexe une augmentation des salaires sur l’augmentation de la productivité de l’entreprise au sein de laquelle l’accord est signé ou une augmentation de la marge d’exploitation ou encore de la marge nette, etc.

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Le SMIG, puis SMIC l’exception qui confirme la règle


L’échelle mobile des salaires existe pourtant dans le code du travail mais pour une seule catégorie de travailleurs : ceux qui perçoivent le SMIC (Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance). Cette « échelle mobile » est même obligatoire.

Chaque 1ier janvier, en effet, le SMIC est revalorisé sur la base de deux critères :

  • L’inflation indiquée par l’INSEE sur l’année précédente,
  • La moitié de l’augmentation observée du salaire horaire de base des ouvriers et employés. C’est l’indicateur qui justifie le mot « croissance » du SMIC, même si on n’en prend que la moitié.

Le SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti) a d’abord été créé en 1950 pour imposer nationalement un salaire horaire minimum bénéficiant à tout travailleur salarié en France. Il augmentait dès que l’inflation atteignait 5 %.

Le SMIC l’a remplacé en 1970 dont le montant augmente désormais chaque fois que l’inflation atteint 2 % et en ajoutant le deuxième paramètre prenant en compte la moitié de l’augmentation observée du salaire horaire de base ouvrier et employés. Ces deux paramètres sont toujours à l’œuvre, même si certains éléments ont évolué (notamment la composition du panier moyen sur lequel se base l’INSEE pour calculer l’inflation des 20 % de ménages les moins aisés). La base de calcul de cette inflation étant l’augmentation du panier moyen de ces 20 % des ménages français, les moins aisés de la population.

Le SMIC est aussi augmenté chaque fois que l’inflation augmente de 2 % ou plus en cours d’année, ce qui est arrivé en 2022. C’est ainsi que le SMIC horaire a été augmenté en octobre 2021 et fixé à 10,48 € brut, puis 10,57 € brut en janvier 2022, 10,85 € brut en mai 2022 et 11,07 € brut le 1ier août 2022.

Il est depuis le 1ier janvier 2023 à 11,27 € brut.

Soit une augmentation du SMIC, de janvier 2022 à janvier 2023, de 6,63 %.

 

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Pourquoi « l’échelle mobile des salaires » est-elle interdite et réservée aux 11 % de travailleurs français qui sont rémunérés au SMIC ?

La raison évoquée historiquement (par les gouvernements de Droite, de Gauche ou du Centre qui ont fait adopter ces lois) pour justifier cette interdiction de la généralisation de l’échelle mobile des salaires est que les augmentations de salaires égales à l’inflation créent de l’inflation qui créent une augmentation de salaire, qui crée de l’inflation et ainsi de suite. Les prix des services et des produits augmentent puisque la rémunération de ceux qui les produisent entre dans le calcul du prix.

Cette échelle mobile des salaires réservée au SMIC est destinée à améliorer la rémunération des salariés dont le pouvoir d’achat est le plus faible. Le débat n’a jamais été clos, puisque certains syndicats proposent encore aujourd’hui de mettre en place l’échelle mobile des salaires pour tous les travailleurs et pas seulement pour les « smicards »



3. Comment le pouvoir d’achat des salariés peut-il être maintenu ?

On vient de voir que pour les salariés payés au SMIC, le pouvoir d’achat est maintenu via l’augmentation du SMIC dès que l’inflation atteint 2 %. Les travailleurs rémunérés au SMIC représentent 11 % des salariés… que se passe-t-il pour les 89 % restant ?

C’est l’objet des NAO (Négociation Annuelle Obligatoire) qui ont été d’importants moments de négociation toute l’année 2022 et continueront à l’être en 2023. De nombreux mouvements sociaux ont précédé la négociation, accompagné celle-ci ou succédé à des résultats de négociation décevants.

De nombreuses entreprises ont été amenées à augmenter les salaires, alors qu’elles y rechignaient au moment des NAO. Les augmentations ont été très différentes d’une entreprise à l’autre à la fois en fonction du rapport de force social et des résultats actuels des entreprises.

Il y a deux façons de défendre le pouvoir d’achat des salariés :

  • Augmenter les salaires évidemment,
  • Et/ou développer l’intéressement, des avantages non soumis à charge, la prime dite « Macron », etc
  • Financer des avantages sociaux.

Augmenter les salaires


Verser du salaire permet à chaque travailleur de cotiser et de bénéficier des cotisations patronales pour :

  • Améliorer la retraite,
  • Améliorer le montant des Indemnités Journalières (I.J.) en cas de maladie,
  • Améliorer le montant de l’indemnité de chômage.

Certains d’entre vous ont raison de dire que ce ne sont pas des charges sociales mais des cotisations sociales. Autrement dit c’est du revenu différé.

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Verser des revenus ponctuels


Vos employeurs proposent aussi dans les négociations salariales des rémunérations variables et ponctuelles qui ne sont pas soumises à cotisations sociales telles que l’intéressement ou la « prime Macron ».

Pour les salariés, le pouvoir d’achat c’est ce qui permet de gérer un budget sur la durée, de s’engager par exemple, dans un crédit dont les organismes financiers vont fixer la limite en fonction des revenus du ménage.

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La mensualisation des salaires a été imposée par la loi à partir de 1978.

Auparavant, les travailleurs étaient payés chaque quinzaine. Il reste aujourd’hui dans le droit français la possibilité d’obtenir un acompte le 15 du mois, que l’employeur ne peut pas refuser, dès lors que vous avez travaillé depuis le début du mois. Mais pour rembourser un crédit à un montant mensuel, payer un loyer mensuel, etc., chaque travailleur a besoin de revenus réguliers chaque mois. A partir de 1978, donc, chaque travailleur a perçu chaque mois le même montant de salaire. Mars et février sont devenus identiques (hors primes, heures supplémentaires ou autres). C’est ce revenu mensuel qui va être la base de la négociation avec les organismes financiers pour obtenir un crédit.

Le calcul pour déterminer le montant moyen mensuel de salaire a été le suivant :

  • 52 semaines/12 = 4,33 semaines par mois en moyenne.
  • 4,33 x 40 heures hebdomadaires a donné 173,33 par mis en moyenne, puis x 39 heures, 169 heures mensuelles et enfin x 35 heures : 151,67 heures par mois. ce qui donne aussi 21,66 jours par moi de jours ouvrés (hors samedi, dimanche et jours fériés chômés).

Il est donc logique que les salariés souhaitent d’abord avoir des augmentations.

Aujourd’hui les entreprises du secteur privé à but lucratif sont sous la pression des actionnaires qui attendent des dividendes chaque année. C’est le capitalisme financier qui domine le monde économique.

De Gaulle a instauré l’intéressement en 1959, afin que les salariés soient « intéressés » aux résultats de l’entreprise. Au même titre que les actionnaires en quelque sorte, pas pour les mêmes montant, on en conviendra.

De ce fait l'intéressement et « prime Macron » doivent, en toute logique, être négociés en fonction des résultats de l’entreprise. Si l’entreprise va bien, actionnaires d’un côté, salariés de l’autre doivent en tirer avantage. Si les employeurs veulent que les salariés soient motivés pour participer au développement et à la réussite de l’entreprise, ils ne doivent réserver les bénéfices aux seuls actionnaires.


Subventionner des avantages sociaux


Troisième outil pour améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs, la possibilité pour l’employeur de subventionner des avantages sociaux qui ne sont pas soumis à cotisations sociales :

  • Budget des ASC,
  • Titres restaurant,
  • Mutuelle, prévoyance, retraite complémentaire
  • Abonnement de transport en commun.

Le budget des activités sociales et culturelles peut être augmenté. Les avantages dont bénéficient les salariés ne sont, ni soumis à cotisations sociales, ni soumis à l’impôt sur le revenu.

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Les titres restaurant peuvent être subventionnés par l’employeur à hauteur de 6,50 € par jour de travail, soit une moyenne de 21,67 jours ouvrés par mois x 6,50 €= 140,86 € de revenu supplémentaire non soumis à cotisations sociales (ni patronales ni salariées) et non imposable. Chaque salarié qui en bénéficie aura une retenue sur son bulletin de salaire pour 40 % au moins de la valeur du titre, les 6,50 € de l’employeur pour 60 % maximum. Le montant logique d’un titre au maximum est donc de 10,83 € = 6,50 € de l’employeur + 4,33 € du salarié.

Votre employeur doit financer à 50 % minimum une complémentaire maladie, qu’on appelle par habitude « mutuelle », même si tous les prestataires ne sont pas des mutuelles à proprement parler (compagnies d’assurance, organismes de prévoyance, etc.). Mais votre employeur a le droit d’aller jusqu’à 100 % du financement de la mutuelle.

Votre employeur peut faire de même pour le financement de la prévoyance. La seule conséquence pour vous, salarié, est que la part versée par votre employeur est soumise à impôt et entre dans le calcul de CSG et CRDS.

Votre employeur peut, par accord d’entreprise, financer une retraite supplémentaire qui s’ajoutera à votre retraite « sécu » et à votre retraite complémentaire AGIRC-ARRCO. Votre employeur doit rembourser 50 % de votre abonnement de transport en commun (ou de location urbaine de vélo) pour vous rendre au travail. Ici aussi, il peut prendre en charge 100 % de ces abonnements.

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4. Synthèse

L’inflation est revenue en 2022 en France alors que depuis 30 ans, elle était restée inférieur à 2 % en moyenne. Les moyens pour la combattre dépendent principalement du rapport de force social dans les entreprises entre les actionnaires et les salariés. Pour défendre et améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs de votre entreprise vous avez besoin de leur soutien.