Voici maintenant 5 ans que l’index d’égalité hommes-femmes a vu le jour. Le 7 mars 2024, le Haut Conseil à l’Egalité soulignait les promesses non tenues de cet index professionnel. Le lendemain, Gabriel Attal annonce sa volonté de mettre en place un nouvel index d’égalité dès l’année prochaine. Mais pourquoi une telle nécessité se fait-elle sentir ? Quelles sont les limites de l’index actuel ? En quoi affecte-t-il le dialogue social en entreprise ? Et surtout, pourquoi les élus du CSE ne peuvent-ils pas se contenter d’une “bonne note” dans ce contexte de dialogue social ? 

Qu'est-ce que l'index d'égalité professionnelle ?


L’Index d’égalité hommes femmes, également connu sous le nom d’ « index d’égalité au travail » ou encore « index Pénicaud », est un outil créé en 2018 pour encourager l’égalité entre les femmes et les hommes au travail.

Pour lutter au mieux contre les inégalités, il est préférable de commencer par les mesurer. C’est pour cette raison que l’Index d’égalité professionnelle mesure les écarts de rémunération entre femmes et hommes.


Le calcul de l'index d'égalité professionnelle

Calculé sur 100 points, cet Index est composé de 4 à 5 indicateurs en fonction du nombre de salarié·es dans l’entreprise :

  1. L’écart de rémunération femmes-hommes est l’indicateur qui compte le plus dans le système d’attribution de points de l’Index (40 points sur 100)
  2. L’écart de répartition des augmentations individuelles est quant à lui évalué sur 20 points
  3. Le pourcentage de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité (noté sur 15 points)
  4. La parité parmi les dix plus hauts salaires de l’entreprise (notée sur 10)
  5. L’écart de répartition des promotions (noté sur 15) → Uniquement pour les entreprises de plus de 250 salariés
  6.  


Pour les entreprises de moins de 250 salariés, ce critère se fond dans l’indicateur d’écart de rémunération.

Chaque année, les entreprises d'au moins 50 salariés calculent obligatoirement leur note à l'index d'égalité et la publient sur leur site internet - le 1er mars au plus tard. En l'absence de site internet, elles informent les salariés de cette note par tout moyen.

L’employeur a l’obligation de communiquer ces éléments à l’inspection du travail et aux élus du CSE.

Si la note obtenue à l’index est inférieure à 75 points sur 100, l'entreprise a un délai de trois ans pour mettre en œuvre des mesures de correction et éventuellement un plan de rattrapage salarial. Ces mesures, qu'elles soient annuelles ou pluriannuelles, doivent être définies dans le cadre de la négociation obligatoire sur l'égalité professionnelle. En cas d'absence d'accord suite à la négociation, l'employeur peut prendre une décision unilatérale après consultation du CSE.

Si la note obtenue est en dessous de 85/100, l'entreprise est tenue d'établir des objectifs d'amélioration pour chaque indicateur et de les rendre publics.

 




Limites de l'index d'égalité hommes-femmes

De nombreuses directions et membres du CSE déplorent la complexité de l’Index et de ses modes de calcul. D’ailleurs, les principales limites de l’index résident dans la façon dont il est conçu. Le calcul de l’index d’égalité hommes-femmes comporte de nombreux biais.

Malgré la prise en compte du pourcentage de salariées augmentées à leur retour de congé maternité dans le calcul de l’index, une entreprise peut obtenir la note de 95/100 à l’index alors même qu’elle paye ses salariés hommes 10% de plus que ses salariées femmes !

L’index ne précise pas le montant de l’augmentation. Si l’entreprise augmente ses salariées de 1 euro, elle obtient quand même la note de 15/15 à cet indicateur.

Lorsque certains indicateurs sont impossibles à calculer, la note globale est ajustée en utilisant des règles de proportionnalité, sauf si la note avant ajustement est inférieure à 75. Dans ce cas, l'index est considéré comme indéterminable pour la période de référence et l'entreprise est exemptée de l'obligation de corriger les écarts dans les trois ans.

Aussi, le calcul de l’index n’inclut absolument pas les postes à temps partiels, qui sont pourtant essentiellement occupés par des femmes.

L'index ne couvre pas non plus toutes les formes d'inégalités professionnelles entre hommes et femmes. Il ne prend pas en compte d'autres dimensions importantes telles que la discrimination à l'embauche, l'accès à la formation, l'accès à certains métiers ou postes de responsabilité


Index d'égalité hommes-femmes et CSE

Bien que présentant des limites bien réelles et nécessitant un renouveau presque inévitable, l’Index d’égalité professionnelle demeure une ressource significative pour le dialogue social. Il offre des opportunités aux organisations syndicales lors des négociations et donne aux élus du CSE les moyens d'intervenir sur l'égalité professionnelle lors de leurs consultations.

Les élus CSE ont notamment un rôle à jouer avant et après la publication de l’index d’égalité femmes-hommes.

Pour calculer l’indicateur n°1, « l’écart de rémunération femmes-hommes », il faut que chaque groupe de salariés soit formé par catégories de postes équivalents et par tranche d’âge


Mag'CSE - Tableau sur le nouvel index d'égalité professionnelle

L'employeur a l'obligation de transmettre aux membres du CSE les informations relatives à l'index d'égalité hommes-femmes dans l'entreprise. Si l'employeur ne met pas ces informations à disposition des élus dans la BDESE, il risque 7 500 € d'amende pour délit d'entrave. Il convient alors de contacter l'inspection du travail.

  

Un nouvel index d'égalité professionnelle d'ici 2025

Ce 8 mars 2024, à l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, le Premier ministre a annoncé l’arrivée d’un nouvel index de l’égalité professionnelle : « Je souhaite que ce nouvel index puisse voir le jour dès l'année prochaine ».


De nouveaux indicateurs pour mieux mesurer les inégalités

Lors de cette cérémonie du 8 mars à Matignon, Gabriel Attal a fait plusieurs promesses aux Français·es. Il a affirmé la mise en place « d'autres mesures » pour l'égalité professionnelle, telles que la « publication d'une fourchette précise de salaires dans les offres d'emploi pour faire la transparence et éviter que les femmes soient moins bien traitées ».

Ces annonces faites par l’actuel Gouvernement anticipent en fait la transposition de la directive européenne.

En mai 2023, une directive européenne a été prise pour contraindre les employeurs à la transparence : cette directive doit être transposée par les Etats membres dans leur droit national d'ici juin 2026.

Pour améliorer l’index d’égalité actuel, une consultation des partenaires sociaux va être lancée  courant mars 2024, d’après les annonces faites par Catherine Vautrin. L’actuelle ministre du Travail a également déclaré que la directive européenne de 2023 pour l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes serait transposée en 2025.

« Moi, je souhaite transposer plus rapidement, parce que c’est aussi un élément qui nous permettra de continuer à progresser », a-t-elle annoncé.

Parmi les propositions émises pour améliorer l’index actuel, le HCE propose d’introduire de nouveaux indicateurs tels qu’une mesure des bas salaires et des temps partiels au sein de l’entreprise. Le fait de confier aux pouvoirs publics l’automatisation du calcul de l’index a également été évoqué.

 




Conseils pratiques pour les élus du CSE

Dans son rapport de ce mois de mars 2024, le HCE souligne l’importance de renforcer le dialogue social autour de cet index. Alors, que peuvent faire les élus du CSE ? Quelles sont les bonnes pratiques à connaître ? Comment les mettre en œuvre ?

 

Conseil n°1 : ne pas se fier à la note globale de l'index

Vous l’aurez compris, même un score de 85/100, qui semble très bon, peut traduire de nombreuses inégalités entre femmes et hommes dans l’entreprise. Même si la note de l’Index global est élevée, le dialogue social doit rester actif et le besoin d'avoir des discussions approfondies sur le sujet de l’égalité demeure.

 

Conseil n°2 : exploiter le détail du calcul

Il est essentiel de bien vérifier que les résultats de chaque indicateur - détaillés par catégorie de poste - figurent dans la BDESE. L’employeur a l’obligation de mettre à disposition du CSE la méthode de calcul appliquée ainsi que toutes les informations utiles pour comprendre les résultats obtenus. Le détail de ce calcul peut être utilisé pour cibler les aspects à négocier avec l’employeur.

 

Bon à savoir

Les mesures correctrices prévues par l’entreprise en cas de note trop basse ainsi que les objectifs de progression qui ont été fixés doivent être transmis au CSE avant la première réunion qui suit la publication de l’index d'égalité.

 

Conseil n°3 : se servir de l'index pour envisager les négociations avec un(e) intervenant(e) tiers.

Ce conseil nous vient tout droit du rapport publié ce 7 mars 2024 par le HCE.

D’après ce rapport, certains index sont toutefois présents dans les accords égalité professionnelle qui ont été analysés par l’Anact. Certains élus du CSE l'évoquent positivement puisqu’ils s’en sont servis pour établir un rapport de force avec la direction pendant les négociations obligatoires - comme en témoigne cet extrait d’audition d’IRP en table ronde menée par le HCE : « La première fois, l’Index n’a pas été à la hauteur des attentes, donc même si on avait déjà un accord égalité pro, on s’est empressé de doubler la mise du budget égalité pro pour rattraper rapidement un Index plus favorable. Donc l’Index a servi »

Pendant les négociations obligatoires, les élus CSE ont donc tout intérêt à se servir de l’index pour établir un rapport de force avec la direction - le tout en se faisant épauler par un·e  intervenant·e tiers : pouvoirs publics, consultants, ou les deux.

 

Conseil n°4 : recourir à une expertise CSE

Faire appel à un(e) expert(e) CSE permet de bénéficier de compétences approfondies dans un domaine spécifique, notamment pour bénéficier d’un accompagnement sur les négociations relatives à l’égalité professionnelle. Lors de l’expertise, l’expert pourra accéder aux rémunérations individuelles.

 

Conseil n°5 : de manière générale, encourager l'égalité dans l'entreprise

La consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise est un exemple d’occasion pour le CSE de se pencher sur le sujet de l’égalité femmes-hommes dans l’entreprise.

Evidemment, les membres du CSE peuvent régulièrement mettre en place des mesures concrètes pour favoriser l'égalité de traitement entre femmes et hommes.


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À retenir

 

L’introduction d'un nouvel index d'égalité professionnelle d'ici 2025 souligne la nécessité de repenser les mécanismes de mesure et de correction des inégalités entre hommes et femmes au travail. Il est essentiel de ne pas se fier uniquement à la note globale de cet index, car même des scores élevés peuvent dissimuler des inégalités persistantes.

L’efficacité de l'index d'égalité professionnelle réside davantage dans les actions correctives et les progrès réalisés en matière de politique salariale à court et moyen terme. Dans ce processus, le CSE joue un rôle central en garantissant un dialogue social ouvert et en veillant à ce que les mesures prises soient véritablement efficaces pour réduire et supprimer les inégalités au travail.

 
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