L’usure professionnelle n’est pas une fatalité. Mais comment agir pour l’éviter ? Prévenir ce phénomène, c'est préserver la santé des équipes et la performance des entreprises.
Qu’est-ce que l’usure professionnelle ?
Comment définir l’usure professionnelle ?
Quelles sont les conséquences pour les collaborateurs ? Et pour l’entreprise ?
Usure professionnelle - définition
L’usure professionnelle est un processus progressif de dégradation de la santé d’une personne liée à l’exercice prolongé d’une activité exercée dans le cadre du travail.
Pour le dire très simplement, on parle d’usure professionnelle quand la santé d’une personne se dégrade petit à petit en raison d’un travail effectué sur le long terme.
Elle se manifeste par une détérioration
physique, mentale ou psychique, qui s’installe lentement au fil du temps, sous
l’effet d’exigences soutenues, répétées ou prolongées.
Bon à savoir :
Ce phénomène reflète l’impact que peut avoir une implication durable dans un emploi sur les capacités d’un individu, même en l’absence de situations extrêmes ou de chocs ponctuels.
Les causes de l’usure professionnelle
L’usure professionnelle est souvent multifactorielle : ce n’est pas une seule cause, mais un enchaînement de contraintes qui finissent par dépasser les capacités d’adaptation des travailleurs et travailleuses.
Elle évolue lentement, jusqu’à ce que le corps ou l’esprit dise "stop".
Type de cause |
Exemples concrets |
Pourquoi ça use |
Exemple de secteur/métier |
🧠 Contraintes mentales | |
Pression, surcharge, manque de reconnaissance, perte de sens |
Stress, anxiété, épuisement émotionnel, burn-out |
Enseignement, métiers du social |
🏋️♀️ Contraintes physiques |
Ports de charges, gestes répétitifs, postures pénibles |
Fatigue corporelle, douleurs chroniques, troubles musculosquelettiques (TMS) |
Aide-soignant·e, manutention, BTP |
⏱️ Contraintes organisationnelles |
Horaires décalés, rythme soutenu, peu de pauses, faible autonomie |
Perturbation du sommeil, fatigue constante, déséquilibre vie pro/perso |
Hôpital (infirmier·e·s), grande distribution |
🌡️ Contraintes liées à l’environnement de travail |
Bruit, chaleur, froid, éclairage inadapté, mauvaise aération |
Inconfort, fatigue accrue, irritabilité, troubles physiques |
Industrie, cuisine professionnelle |
🤝 Isolement / manque de soutien |
Manque d’entraide, isolement, encadrement absent |
Solitude face aux difficultés, charge mentale plus lourde, démotivation |
Travail à domicile (assistant·e·s maternel·le·s, télétravail non encadré) |
Les conséquences de l’usure professionnelle : pour les salariés et l’entreprise
Il est assez aisé d’imaginer que l’usure professionnelle a des conséquences néfastes sur les salariés. Les troubles musculosquelettiques (TMS), par exemple, sont fréquents à cause des gestes répétitifs. Les troubles mentaux comme l'anxiété ou la dépression peuvent également découler d’un stress prolongé. Enfin, l’épuisement professionnel (burnout) touche de plus en plus de travailleurs, réduisant leur capacité à accomplir leurs tâches efficacement. Ces problèmes de santé affectent directement la qualité de vie et la motivation des équipes.
Cependant, ce phénomène a également des répercussions importantes pour l’entreprise. La baisse de performance des collaborateurs entraîne une perte de productivité. Les absences et inaptitudes se multiplient, générant un manque à gagner et des coûts supplémentaires. Le turnover[1] augmente, car les salariés usés partent, entraînant des frais de recrutement et de formation.
Evidemment, l’image de l’entreprise peut être ternie, affectant sa réputation auprès des clients et futurs talents.
Ces conséquences peuvent à terme nuire gravement aux résultats de l’entreprise.
Ce raisonnement démontre que l’usure professionnelle n’est pas seulement un problème de santé pour les salariés, mais aussi un véritable enjeu économique pour l’entreprise. En abordant ce sujet lors des négociations avec l’employeur, vous mettez en lumière l'importance de conditions de travail optimales, à la fois pour le bien-être des salariés et pour la performance de l’entreprise à long terme.
Les conditions de réponse de l'employeur dépendent de la taille de l'entreprise. Voici un récapitulatif selon l’effectif de votre entreprise :
Taille de l’entreprise |
1. Accord de l’employeur |
2. Report du congé |
3. Refus du congé |
Moins de 300 salariés |
L'employeur informe le salarié de son accord par un moyen justifiant la réponse (lettre recommandée, email recommandé). Le congé débute à la date demandée |
Le congé peut être reporté pendant 9 mois maximum pour limiter le nombre d'absents. |
Le refus peut intervenir si le salarié ne remplit pas les conditions (ancienneté insuffisante, trop peu de délai avant le départ) ou si cela nuirait à l'entreprise.
|
300 salariés ou plus |
Le congé peut être reporté pendant 6 mois maximum pour limiter le nombre d'absents. |
Comment prévenir l’usure professionnelle ?
Pour limiter les conséquences de l’usure professionnelle, il est essentiel d’en traiter les causes. Mais avant d’agir, encore faut-il repérer les signes d’alerte chez les salariés concernés.
Usure professionnelle : quels symptômes ?
Évaluer l'usure professionnelle au sein des
équipes constitue la première étape pour mettre en place une stratégie de
prévention efficace.
Sur le plan émotionnel, l'usure
professionnelle se manifeste généralement par une fatigue mentale intense. Le salarié se sent épuisé, souvent
incapable de faire face à ses responsabilités
et perd tout plaisir dans son travail. Un autre signe fréquent est le détachement ou le cynisme : l'employé devient de plus en plus indifférent envers ses tâches, ses collègues ou même l'entreprise.
La perte de motivation et de sens
devient également évidente, le travail ne semblant plus avoir de signification ni d’importance.
Parfois,
cette situation s'accompagne d’un sentiment
d’incompétence, où l'individu se perçoit comme incapable de réussir, malgré
ses efforts. Un stress constant ou
une anxiété liée à la peur de
l’échec ou de ne pas répondre aux attentes peut également être un indicateur
clé de l'usure professionnelle.
D’un point de vue physique, l’usure professionnelle entraîne souvent une fatigue chronique qui ne disparaît pas après le repos. Cela peut être lié à un stress prolongé ou à une surcharge de travail. Les troubles du sommeil sont également fréquents, avec des problèmes comme l'insomnie, un sommeil de mauvaise qualité, ou parfois, un besoin excessif de sommeil. Les salariés peuvent aussi ressentir des maux de tête, des douleurs musculaires ou des troubles digestifs réguliers, qui sont des signes fréquents de stress chronique.
Des problèmes de santé plus sérieux peuvent survenir, tels qu'une baisse de la résistance immunitaire, des infections fréquentes ou des troubles cardiaques liés à la pression et à l'épuisement.
Sur le plan comportemental, l'usure professionnelle est souvent marquée par une baisse de performance. Les salariés commencent à faire des erreurs fréquentes et ont des difficultés à organiser leur travail efficacement.
La procrastination devient également un comportement courant : le salarié repousse constamment ses tâches, ce qui ne fait qu'aggraver la situation au fil du temps.
Une augmentation des absences répétées est également un signe révélateur, souvent lié à des problèmes de santé physique ou mentale. Un isolement social peut se produire, où le salarié se retire de ses collègues, se sentant incompris ou rejeté par le groupe.
Le salarié peut être rémunéré durant son congé sabbatique, dans le cas où des dispositions conventionnelles ou d’usage le prévoient.
Le salarié qui dispose dans son entreprise d’un CET[1]peut utiliser les droits qu’il a accumulés sur ce compte pour disposer d’un revenu pendant une partie de son congé sabbatique.
Le CET permet d’accumuler des jours de repos ou des heures de travail pour les utiliser ultérieurement sous forme de congés rémunérés ou de rémunération. |
Cette mobilisation du CET se fait avec l’accord de l’employeur.
Afin de compenser son absence de revenus, le salarié peut aussi cumuler les droits à congés. Il est possible de "mettre de côté" sa cinquième semaine de congés payés, au lieu de la prendre chaque année[2].
Le salarié peut ainsi accumuler ces jours sur plusieurs années (jusqu’à 6 ans maximum). Ces jours stockés peuvent ensuite être utilisés pour allonger son congé sabbatique.
En revanche, pendant son congé sabbatique, le salarié n’acquiert plus de congés payés. Son ancienneté est également gelée, car son contrat de travail est suspendu.
Agir ensemble : employeur, CSE et RH face à l’usure
Certaines démarches permettent d'identifier
les signes d'usure professionnelle avant qu'ils ne deviennent plus graves.
1) L’entretien avec le-la salarié·e
Un entretien individuel est essentiel pour comprendre les ressentis du salarié. Ce moment d'échange permet de détecter des difficultés émotionnelles ou un sentiment d'épuisement.
4) Suivi de l'absentéisme
Une hausse des absences injustifiées ou répétées est souvent un signe d'épuisement. Le suivi régulier de l'absentéisme peut alerter les managers, responsables RH et membres du CSE sur l’éventuelle présence de problèmes de santé liés à l’usure professionnelle.
Ces méthodes d’identification permettent de repérer l’usure professionnelle de manière précoce, offrant ainsi la possibilité de mettre en place des solutions adaptées pour prévenir l’aggravation de la situation.
Bon à savoir :
Pour aller plus loin, pensez au baromètre social. Plus structuré qu’un simple sondage, il permet de mesurer régulièrement le climat social, d’identifier les sources de tension et d’évaluer l’évolution du bien-être au travail dans la durée.D’ailleurs, la rémunération du salarié qui revient de congé ne peut pas être plus basse que celle qu’il percevait avant son départ. Son salaire est donc équivalent ou supérieur.
Lors de son retour, le salarié a droit à un entretien professionnel avec son employeur
Cet entretien est destiné à discuter de ses perspectives d'évolution professionnelle, comme une éventuelle montée en compétences, un changement de poste, ou des projets de formation.
Cela permet au salarié de revoir ses objectifs de carrière avec son employeur, de faire le point sur ses aspirations et de définir des actions pour son développement professionnel.
Le salarié peut activer son CPF[1] pour suivre des formations qui l'aideront à améliorer ses compétences ou à évoluer dans sa carrière. Il peut également bénéficier d'un CEP[2]qui est un accompagnement gratuit destiné à l'aider à faire un bilan de ses compétences, à évaluer ses opportunités de carrière et à définir des projets professionnels en fonction de ses aspirations.
Les moyens de prévention de l’usure professionnelle
L'usure professionnelle ne se manifeste pas du jour au lendemain. C’est un processus insidieux qui se nourrit de l’isolement, du stress et de la surcharge. Pour y faire face efficacement, voici une série d'actions simples et puissantes que vous pouvez mettre en place en tant qu'élu CSE.
Actions |
Description |
Prévention primaire |
Mettez en place des politiques de prévention contre le burnout et le stress. Favorisez la communication pour détecter les signes de surcharge de travail et de stress excessif. |
Suivi des indicateurs de santé |
Évaluez régulièrement les indicateurs de santé au travail (absentéisme, accidents). Si nécessaire, ajustez les conditions de travail et mettez en place des mesures préventives adaptées. |
Recueillir les retours des équipes |
Mettez en place des enquêtes régulières pour comprendre les préoccupations des salariés concernant leurs conditions de travail. Organisez des réunions CSE dédiées pour traiter les problèmes liés à l’usure professionnelle. |
Amélioration des conditions de travail |
Améliorez l'ergonomie des postes de travail, l’aménagement des espaces et réduisez les facteurs de stress environnemental (bruit, lumière, etc.). Veillez à un équilibre de la charge de travail pour prévenir le surmenage. |
Dispositifs de soutien psychologique |
Œuvrez en faveur d’un accès facilité à des services de soutien psychologique pour les salariés en difficulté. Cela inclut l’accès à un psychologue du travail ou à un programme d’assistance aux équipes pour des conseils professionnels et une écoute bienveillante. |
Équilibre vie professionnelle/vie privée |
Des horaires flexibles et un télétravail bien géré[1] offrent aux salariés la possibilité de mieux gérer leur équilibre entre vie personnelle et professionnelle, réduisant ainsi le stress lié aux contraintes horaires. |
Informer sur les droits des salariés |
Assurez-vous que les équipes connaissent leurs droits en matière de santé et sécurité au travail. Informez-les sur leur droit à la déconnexion, sur les règles relatives au travail dominical et la possibilité de consulter un médecin du travail pour des conseils adaptés. |
Collaboration avec la direction |
Travaillez main dans la main avec la direction pour intégrer des politiques de prévention du stress dans les pratiques organisationnelles. Assurez-vous que les objectifs de performance sont réalistes. Faites remonter les situations où ces objectifs exercent une pression excessive sur les équipes. |
[1]Pour les postes télétravaillables.
À retenir
L’usure professionnelle est une dégradation progressive de la santé liée au travail sur le long terme. Elle résulte de facteurs mentaux, physiques, organisationnels, environnementaux ou d’isolement. L'usure affecte aussi bien les salariés (stress, burnout) que l'entreprise (baisse de productivité, turnover). Repérer les signes précoces (fatigue mentale, baisse de performance) est essentiel pour agir à temps.
Prévenir l'usure passe par des actions
concrètes : amélioration des conditions de travail, soutien psychologique,
écoute active.
La collaboration entre employeur, CSE et RH est incontournable pour une prévention efficace !
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